La Libre Belgique 27/12/2010

Au-delà du bâti, les gens
Stéphanie Bocart

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Architecte et photographe, Victor Lévy a posé son regard sur les diversités de Bruxelles et ses habitants. En dépassant le carcan urbanistique.

Rencontre

Un portrait de Bruxelles reflétant sa multiculturalité et son souci d’intégration sociale au travers du prisme de l’urbanisme. Telle est la mission dont le secrétaire d’Etat à l’Urbanisme Emir Kir (PS) a investi Victor Lévy, architecte et photographe.

Pendant plusieurs mois, celui-ci a donc, appareil photo à la main, sillonné, arpenté, observé, scruté la capitale et ses habitants, afin d’aller à leur rencontre et de s’en imprégner. Le fruit de son travail est à découvrir dans "Bruxelles diversités", un ouvrage de 124 pages illustrées de nombreux clichés témoignant de la richesse multiculturelle et associative de Bruxelles. "Au départ, j’avais une vision mosaïque de la ville, j’étais presque convaincu que les mondes se croisaient mais ne se rencontraient pratiquement pas, sauf dans certains lieux comme des marchés, des rues, des boulevards , confie Victor Lévy, également professeur à La Cambre. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas du tout. Il y a en fait beaucoup plus d’endroits où le métissage, le vivre ensemble et l’interculturel existent. J’ai aussi découvert un tissu associatif foisonnant, vital même."

Au fil de son reportage, l’homme décide de se "laisser guider par certaines intuitions et par ce que je voyais dans la rue" . "J’ai commencé à prendre mon sac à dos, aller marcher dans la rue, regarder, être attiré par des affiches, aller à des spectacles Car la fusion, le métissage, les rencontres se font dans des systèmes cachés, qui ne sont pas institutionnalisés ." Dépasser le bâti, "retirer la coquille", l’architecte veut "voir ce qui se passe à l’intérieur" , en se muant en "un voyageur, un explorateur dans la ville" . Bien que Victor Lévy connaît Bruxelles depuis quarante-cinq ans, avec ce travail, "j’ai découvert une autre ville" , raconte-t-il, l’œil pétillant. "J’ai la chance d’être extrêmement curieux et d’avoir des origines multiples - égyptienne, turque, italienne, espagnole, congolaise, brésilienne et juive -, ce qui m’a permis de pouvoir voyager dans les différents mondes en étant en vibration."

De l’intimité d’une messe tzigane en présence d’un pasteur congolais à un spectacle de danse mêlant hip-hop et kapuera en passant par la Zinneke Parade ou encore un cours de salsa au pied du Cinquantenaire, Victor Lévy a "simplement poussé la porte" de ces différentes communautés, visitant près d’une trentaine de lieux différents - culturels, cultuels, sacrés, associatifs "Finalement, on se dit : la frontière, il n’y a que moi qui la mets . Cette sorte d’interdiction d’aller dans telle ou telle communauté, c’est artificiel. Et cela devrait s’atténuer. En fait, tout ce que l’on croit sur la stratification des communautés est très loin de la réalité. Il faut arrêter de voir les communautés comme des monoblocs" , ressent le photographe.

Mais, reprend-t-il, "c’est une démarche d’abord personnelle les gens l’entreprennent pour découvrir d’autres contrées, de la musique, de la gastronomie, etc., mais ne le font pas dans leur propre pays" . Et de commenter : "Les Bruxellois voient plutôt ces communautés comme un facteur de peur, de problèmes, alors qu’il y a une richesse hallucinante." Tandis que la Région bruxelloise accueille quelque 30 % de l’immigration sur le territoire national et verra sa population gonfler de plus de 170 000 habitants d’ici 2020, là est tout le défi que doivent relever les pouvoirs publics celui du vivre ensemble."Cet ouvrage nous permet de mettre au cœur de nos préoccupations les habitants , pointe Emir Kir. La diversité culturelle et le défi démographique doivent être le réflexe prioritaire lors de toute intervention dans la ville ou pour la ville , juge-t-il. Il faudra faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’accrochages pour que l’on puisse arriver à une interculturalité plus présente dans la ville."

Toutefois, souligne le secrétaire d’Etat, si la diversité doit être une source d’enrichissements, " elle doit pouvoir être accompagnée par les pouvoirs publics pour éviter certaines situations où les gens vivent repliés sur eux-mêmes" . Le ciment de cette cohésion sociale ? La langue française. "Pour assurer le vivre ensemble, il faut un vecteur de communication commun. Dans une ville majoritairement francophone, le français doit être ce vecteur" , défend Emir Kir. Plus qu’un simple livre de photographies, "Bruxelles diversités" ouvre la réflexion sur qui est l’autre, comment se rencontrer et gommer ces barrières invisibles entre citoyens d’une même planète .

Petit clin d’œil à cet effet, 15 images "volantes" peuvent être glissées dans l’ouvrage. Victor Lévy explique : "L’idée est que, par exemple, une photo de la communauté polonaise se retrouve à côté d’une image de la communauté cubaine. L’objectif est de faire de chaque livre un exemplaire différent, mais aussi d’induire ce brassage culturel."Edité à 4 000 exemplaires, "Bruxelles diversités" est disponible gratuitement aux Halles Saint-Géry.

Il peut aussi être commandé via le site www.bruxellesdiversites.com.

 

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